Les thèses recensées ici sont des travaux qui ont mobilisé, au moins partiellement, une approche Political Ecology
La Grande muraille verte est le nom d’un programme régional de lutte contre la désertification au Sahel lancé en 2007 sous l’égide de l’Union africaine et des organisations régionales. Il consiste à favoriser le reboisement des territoires semi-arides le long d’un tracé reliant Dakar à Djibouti et traversant onze États, afin de créer un « bandeau végétal dressé face à l’avancée du désert ». Cette thèse a pour but de proposer une lecture géographique et critique de ce projet insolite, appréhendé ici comme une utopie environnementale. À partir d’enquêtes de terrain principalement menées au Sénégal (région du Ferlo) et enrichies par les apports de la political ecology, elle met en lumière la tension qui existe entre d’un côté, la formulation d’un projet de territoire au nom du développement des zones semi-arides et de la gestion des ressources naturelles et, de l’autre, la promotion d’un instrument d’extraversion politique et économique permettant de capter de nouvelles rentes environnementales : en quoi la territorialisation du projet est-elle subordonnée à une quête de visibilité globale ? La première partie montre comment la Grande muraille verte recycle dans un moment historique favorable des pratiques anciennes en matière de lutte contre la désertification. La deuxième partie décrit le déficit d’ancrage territorial de ses aménagements à l’échelle locale. La troisième partie montre que l’appropriation globale du projet est la source principale de sa grande résilience.
L’objectif de la thèse est d’analyser les relations de pouvoir et les changements sociaux et environnementaux engendrés par la mondialisation du commerce des amandes de karité dans l’Ouest du Burkina Faso. Dans le premier chapitre, nous montrons que la mondialisation du commerce des amandes de karité n’a pas conduit à de profondes modifications de l’organisation de la chaîne de valeur dans l’ouest du Burkina Faso. Le maintien du pouvoir d’un réseau de grossistes de karité au niveau régional s’explique à la fois par les spécificités du karité et par l’efficacité de leur organisation. Le deuxième chapitre décortique comment la croissance de la valeur économique des amandes de karité contribue à modifier l’accès à l’arbre et à ses produits. Nous montrons les mécanismes qui contribuent à modifier les règles d’accès et détaillons comment ce changement de l’accès au karité peut affecter la différenciation sociale locale. Dans le troisième chapitre nous analysons plus en détail, et à l’échelle intra-ménage, la différenciation socio-économique en partie issue des effets de la mondialisation du marché des amandes de karité. Nous croisons les analyses des changements d’accès à l’arbre avec les rapports de pouvoir intra-ménage pour définir une typologie des ménages. Cette typologie met en relief les disparités dans la place du revenu karité et son partage dans le ménage. Le dernier chapitre apporte une vision historique et critique du discours dominant sur l’écologie du karité. Ce chapitre met en perspective la façon techniciste dont la science coloniale a pensé les projets de gestion du karité, et le fait que les traits saillant de ce discours colonial sont repris aujourd’hui dans les discours des industriels du karité et des gouvernements.
L’évolution des politiques de gouvernance environnementale internationale et la transition des contextes nationaux et locaux de conservation favorisent de plus en plus l’intégration de la dimension anthropique au sein des parcs nationaux (catégorie II-UICN). Cette dimension s’adresse d’une part aux populations locales qui habitent de manière permanente les diverses zones de protection, et d’autre part, aux acteurs économiques (légaux et illégaux) qui exploitent le territoire protégé (tourisme, orpaillage, bois, etc.) ou qui participent de manière directe et indirecte aux processus de construction territoriale du parc national. L’intégration de la dimension anthropique au sein de ces territoires naturels de protection favorise en conséquence l’émergence de nouvelles dynamiques et stratégies de gestion et de gouvernance participatives.
Avec une triple approche scientifique construite autour des regards croisés de la géographie politique, de la géographie socioculturelle et de la political ecology
, cette thèse s’intéresse à l’analyse de trois cas d’étude particuliers du continent américain afin de comprendre comment l’intégration de cette dimension anthropique (socioculturelle et économique) favorise la transition de certains espaces naturels protégés classiques vers une nouvelle configuration que nous proposons d’identifier ici sous le nom de « parcs nationaux naturels anthropisés - PNNa ». L’analyse systémique de la structure et du fonctionnement des macrostructures de gouvernance et des microstructures de gestion du Parc amazonien de la Guyane en France, du Parc marin du Saguenay-Saint-Laurent au Québec (Canada) et du Parc national naturel Amacayacu en Amazonie colombienne, nous ont permis ainsi de mettre en évidence quelques aspects de cette transition dans la gestion territoriale des espaces naturels protégés de catégorie II, ainsi que les conflits de pouvoir qui en résultent.
Le foncier pastoral dans les savanes soudaniennes d’Afrique de l’Ouest reste un thème peu étudié par rapport au foncier pastoral en zone sahélienne. Pourtant, depuis les années 1970, l’élevage s’y est développé au point de devenir la deuxième source de richesse derrière l’agriculture. L’augmentation de la population rurale entraîne l’accroissement des superficies cultivées et du cheptel. Cela alimente une concurrence spatiale accrue et potentiellement conflictuelle entre agriculture et élevage. A partir du cas de l’Ouest du Burkina Faso, cette thèse pose la question de la place de l’élevage dans les régions sous pression foncière. Les données ont été recueillies principalement à partir d’entretiens et questionnaires, du suivi d’un troupeau transhumant et de l’analyse d’images satellite. La première partie décrit le recul des espaces de parcours et ses conséquences sur les mobilités pastorales. La deuxième partie s’inscrit dans les champs de la political ecology et de la géographie du pouvoir. L’analyse des jeux de pouvoir locaux et des politiques nationales de développement rural montre comment la pression foncière s’accompagne d’une territorialisation des brousses au détriment des parcours pastoraux. Ce processus alimente les inégalités socio-économiques entre éleveurs. Enfin, la troisième partie rassemble les arguments qui plaident en faveur du maintien de la mobilité en zone soudanienne pour montrer que ces pratiques ne peuvent perdurer que si un droit foncier pastoral est inventé. L’analyse du rôle et des stratégies de chaque acteur offre des outils pour mener une politique de concertation sur l’usage partagé des ressources et l’intégration territoriale des activités.
Cette thèse, en mobilisant les théories foucaldiennes de la gouvernementalité et une approche political ecology, a voulu retracer les différents itinéraires des discours de conservation de la biodiversité et élucider leur rôle dans le processus d’écologisation des politiques publiques à différentes échelles et dans différents contextes. L’analyse multi-scalaire a fourni une précieuse clé pour comprendre comment cette idéologie spécifique s’est spatialisée et est aujourd’hui difficilement articulée politiquement par des systèmes de gouvernance écologique qui s’étendent à différentes échelles, du global au local. Ainsi nous avons commencé par étudier l’histoire de la biodiversité dès ses origines dans les milieux gestionnaires et préservationnistes nord-américains. Ensuite nous analysons les textes des conventions internationales qui touchent la nature, pour finir par nous intéresser de plus près à l’élaboration conceptuelle et textuelle d’une politique de gestion de la biodiversité issue de la Convention sur la diversité biologique : l’approche par écosystème. Nous avons par la suite confronté cette analyse globale du discours sur la biodiversité à son application sur le terrain au niveau de deux dispositifs concrets : le Parc naturel régional du Lubéron en France (chapitre 5) et l’ensemble Território Portal da Amazônia/Corridor biologique des écotones sud-amazoniens au Brésil. Au terme de cette thèse, la gouvernance de la biodiversité apparaît bien comme un processus complexe, une interaction entre un système international et des contextes locaux. L’étude de la genèse du système international (cadre normatif) pour gouverner le vivant s’est révélée être un système pertinent pour valider la notion de dispositif de gouvernementalité comme concept d’étude de la gestion de la biodiversité. L’examen de la mise en action locale de ces cadres normatif globaux a permis de montrer que la mise en place de ce dispositif transforme les relations que les hommes établissent avec leur environnement : cela les mène à penser et à agir de façon nouvelle. Des agriculteurs familiaux deviennent les champions de la Nature, des fazendeiros deviennent écologistes, des conservationnistes commencent, par le truchement de l’agroécologie, à s’investir dans le domaine agricole. Cependant, le lien entre l’intégration de la biodiversité au niveau international et sa déclinaison dans des contextes locaux n’est pas direct, les normes internationales ne percolent pas directement aux niveaux scalaires « inférieurs » en transformant les cadres législatifs. Chaque niveau scalaire, chaque territoire, conserve en effet sa logique propre. Les territoires sont modérément transformés quand ils incorporent, dans les dispositifs d’action et dans les mentalités des acteurs, des principes de gestion de la biodiversité. Notre étude, par sa démarche multi-scalaire et les cadres théoriques qu’elle a mobilisés, a montré à quel point les arènes internationales, qualifiées de « scientifiques » ou de « politiques », tout comme les scènes locales, ne constituent pas des sphères cloisonnées, mais qu’elles sont largement poreuses. Les questions d’environnement le posent d’ailleurs ainsi : elles sont à la fois globales, puisqu’elles concernent l’ensemble de la planète, et locales, puisqu’elles se déclinent et se traitent dans une diversité de situations concrètes géographiques, historiques, sociales et politiques. Croire au cloisonnement de ces arènes et ne pas reconnaître cet enchevêtrement de niveaux d’organisations et de valeurs, ce serait nier la dimension éminemment politique de l’acte de gouverner les hommes et l’environnement, et des connaissances qui le permettent.
Cette thèse discute de la place des scientifiques dans les politiques environnementales à partir de l’étude de cas de la mise en place du mécanisme REDD+ à Madagascar. Elle questionne le changement de paradigme impliqué par l’utilisation du concept de service écosystémique dans le réseau de conservation de la nature, et les transformations scientifiques et politiques dues à l’intégration d’une nouvelle entité : le carbone.En combinant les approches de la théorie acteur-réseau et de la political ecology, cette thèse montre la centralité de l’expertise scientifique dans ce nouveau mécanisme, qui permet de transformer la représentation des forêts en densité de carbone à travers la production de chiffres, de graphiques et de cartes. En tant qu’intermédiaires entre le carbone et le réseau de conservation de la nature, les scientifiques deviennent des acteurs incontournables du mécanisme REDD+.Pourtant tous les chercheurs n’ont pas la même autorité : ceux du Nord ont une place prépondérante dans la littérature internationale, et sont également légitimés par la sphère nationale et au niveau projet par rapport aux chercheurs malgaches.Ce mécanisme, basé sur une nouvelle représentation des écosystèmes et une valorisation monétaire de ces services n’aboutit pas pour le moment à des changements au niveau des activités de terrain, mais représente un nouveau cycle d’aide au développement et à l’environnement, drainant des fonds du Nord au Sud, tout en légitimant les acteurs et instituts du Nord.
Cette thèse propose une analyse des projets intégrant conservation de la faune sauvage et développement en Afrique centrale, dans la mouvance des approches participatives qui se sont développées à partir des années 1980 au sein de projets de coopération multilatérale.
Nous mettons en évidence la représentation des espaces à enjeux de conservation qui domine très nettement le paysage de la conservation intégrée. Cette représentation est produite sur la base d’une opposition de type centre/périphérie entre les espaces naturels à conserver et les aires de production attenantes. Elle génère des modèles de développement et de gouvernance locaux stéréotypés, ainsi que des approches de zonage en profond décalage avec les pratiques locales, notamment en termes de gestion foncière. C’est également cette représentation territoriale centripète qui est à l’origine de rapports de force et de conflits récurrents dans la gestion des aires protégées. Ces jeux de pouvoir s’érigent en obstacle à la participation active des communautés locales aux actions de conservation.
Nous illustrons notre propos à partir d’une lecture critique de la rhétorique qui s’est construite autour des paradigmes du Développement Durable appliqués à la conservation de la biodiversité et sur la base de l’expérience de plusieurs projets de terrain mis en œuvre en Afrique centrale. Nous nous appuyons particulièrement sur l’étude de cas du parc national de Zakouma (Tchad) et sur son dispositif d’aménagement du territoire, caractéristique des pratiques conservationnistes en Afrique centrale.
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